29 avril au 1er mai, J+239 à 241 : Varanasi (Bénarès)
Nous arrivons à Varanasi à 15h. Nous devions partir ce matin de Khajuraho à 6h, mais le chauffeur ayant veillé hier à une cérémonie de mariage, a eu la bonne idée de retarder l'heure de son réveil d'une heure. De 6 à 7, nous poirotons donc devant notre hôtel; on s'en serait bien passé !
Pendant les 8h que nous passons sur la route pour parcourir les 400 km, nous traversons des zones quasi désertiques. L'air est brûlant et les routes sont tantôt en parfait état tantôt en piteux, et ceci change invariablement.
A 15h, lorsque nous arrivons à Varanasi, nous n'avons pas mangé. Il fait plus de 40 degrés. Nous sommes assoiffés et nous devons parcourir à pied les 600 mètres qui nous séparent de la zone où nous souhaitons loger, avec tous nos sacs, la circulation des voitures étant impossible dans la vieille ville. Ni une ni deux, un homme nous colle aux tongs, comme d'habitude. Dur, dur pour nous d'accepter de se faire suivre ainsi.
Nous trouvons un hôtel au bord du Gange et ressortons après avoir avalé un yogourt et un litre et demi d'eau chacun. Nous nous dirigeons vers le lieu où s'exécutent les crémations. Pour la petite histoire, Varanasi est la ville de Shiva et tout hindou mourant ici stoppe automatiquement son cycle de réincarnations. C'est pour cette raison qu'un grand nombre de malades ou de vieillards hindous s'y rendent. Une fois morts, leurs corps sont brûlés sur les bords du Gange dans les lieux de crémations et leurs cendres jetées à l'eau.
Nous marchons sur les quais quelques minutes en cette fin d'après-midi et, au détour d'un bâtiment, nous tombons sur les feux de crémations ! Des énormes tas de bois se dressent dans les escaliers descendant dans l'eau du fleuve. Des gens discutent, des vaches se frayent un chemin parmi les rondins et trois petits feux brûlent des corps d'êtres humains sous ce ciel couchant dans la plus grande indifférence... Nous sommes pétrifiés. Nous tournons les talons aussitôt d'autant plus que des hommes nous attirent pour nous conduire au meilleur point de vue. Mais avoir un point de vue sur ces corps brûlant nous révulse. Et soudain, nous nous demandons ce que nous faisons là !!!
ImageNous voulons nous arrêter quelques minutes sur le bord du Gange, contempler le paysage, nous plonger dans l'ambiance tranquillement. Impossible. Nous sommes assaillis sans une minute d'arrêt. Ou peut-être mieux vaut dire, nous sommes assaillis sans dix secondes d'arrêt : vendeurs de fleurs, bateliers, vendeur de haschich ... Tout y passe, mais pour nous, ces constantes sollicitations sont insupportables ! Tout simplement insupportables ! Nous reprenons donc notre marche jusqu'au quai Dasashwamedh où une cérémonie hindoue se déroule. Nous nous asseyons pour regarder, mais une fois de plus nous sommes sollicités. Trop, c'est trop et de très mauvaise humeur nous prenons l'option de rentrer nous réfugier à l'hôtel.

Pour la première fois depuis le début de notre voyage,  nous ne savons plus pourquoi nous sommes en voyage et surtout, là. Nous sommes perdus devant tant d'incompréhension, d'animation, de sollicitations. Nous n'avons plus envie de partager avec les autres et devenons même pessimistes... La soirée n'est pas des plus gaies ...

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30 avril, 5h. Notre réveil sonne. Il fait déjà très clair. Nous  rejoignons les rivages du Gange et prenons un bateau pour longer le fleuve. La nuit nous a tranquillisés et nous avons retrouvé notre enthousiasme. Il fait bon, frais n'étant pas le terme adéquat pour ces plus de 30 degrés, et le soleil se lève doucement. L'ambiance est beaucoup plus sereine qu'hier soir et nous admirons les rives au rythme des rames.
ImageLes bâtiments ressemblent à des palais abandonnés. Les couleurs des façades sont chaudes et lumineuses. Au bord du Gange, les indiens affluent pour faire leurs ablutions. Tous les matins au levé du soleil, ils viennent très nombreux, seuls ou en groupes, mais paraissent tous se connaître et sont très souriants. Le rite est le même chaque jour : ils prononcent le mantra sacré, s'immergent complètement trois fois de suite et boivent une gorgée d'eau du Gange, malgré toute la pollution que celui-ci véhicule. Une fois ce rite religieux accompli, l'homme ou la femme se lave les dents, se savonne, nage ou lave son linge. Un exemple de vie communautaire.

Après cette petite balade matinale en bateau, nous changeons d'hôtel (en allant à celui d'à côté). La salle de bain du premier était vraiment trop sale ... Nous passons la journée à éviter tout mouvement tant la chaleur est harassante. Il fait 45 degrés à l'heure de pointe. L'air est figé. Les sols, les murs, les toits sont des fournaises à ciel ouvert. Entre midi et 16h, nous restons terrés dans notre chambre ou dans la salle internet sous les ventilateurs.  

Le soir, à la tombée de la nuit nous partons regarder les jeux de son et lumière de la cérémonie du Puja, le culte du Gange. La place principale grouille de monde. Les indiens ont l'air attentifs au spectacle. Nous ne saisissons pas la signification des chants et des gestes qu'effectuent les fidèles pendant presque une heure. Des prêtres hindous sont tournés vers le Gange en lui faisant vraisemblablement des offrandes. Nous retournons à notre hôtel dans la bonne humeur et dégustons des plats indiens délicieux. Question cuisine, il n'y a pas à dire, les indiens sont des chefs !

A Varanasi, les coupures d'électricité sont incessantes, jour et nuit. A peu près toutes les heures le courant s'éteint. Et alors que nous dormons, le ventilateur de notre chambre s'arrête. Nous nous réveillons alors aussitôt en transpiration et même l'eau de la douche qui est chaude n'arrive pas à nous rafraichir. A 5h du matin, nous voici donc sur pieds ! L'air dehors nous paraît frais. Nous sommes ravis.

ImageAujourd'hui, 1er mai ... La fête du travail ! Un bon prétexte pour ne rien faire ... Nous flânons de ci de là sur les berges du Gange et dans la vieux quartier du Chowk que nous trouvons fort authentique : dans l'étroitesse des ruelles enfumées des feux de cuisine se concentrent vaches sacrées, échoppes minuscules, badauds, roulottes, sadhus, etc. Des mobylettes parviennent à se faire un passage dans cet embrouillamini au son de leurs klaxons, en slalomant entre les bouses et les détritus. Sur les pas de porte, des femmes donnent le sein à leurs bébés, des vieillards discutent, un transistor grésille au son du dernier tube indien. Couleurs, odeurs, sons. Toute la gamme des moins agréables au plus jolis est là.